Le FeliXart Museum : un musée pas comme les autres à Drogenbos
Un parcours d’abord intimiste
Suivez-moi, Félix nous attend à Drogenbos, devant sa ferme, sur le seuil de sa porte… Sa dernière pipe allumée, ses foins rentrés, ses pommes dans le cellier… Il nous fait signe d’entrer. Il remplit par sa présence toute la maisonnée, avec son épouse Marieke et ses enfants…
Nous sommes au FeliXart Museum, à Drogenbos, sur les terres de l’artiste Félix De Boeck, une figure de proue de l’art abstrait du XXe s., et nous traversons sa vie en parcourant ses années de travail en tant que paysan dans la ferme familiale où il est né le 12 janvier 1899, et en suivant ses traces dans son oeuvre picturale moderne et futuriste.
Nous découvrirons ainsi ses différentes périodes, essais et styles : l’abstrait, l’impressionnisme, l’expressionnisme, le figuratif, expérimentant le fauvisme et le futurisme par ses peintures fluorescentes.
Ce musée, dont il posa lui-même la première pierre en 1995, rend hommage à l’homme qu’il fut, peintre avant tout et paysan, à ses idées et à sa conception d’un mode de vie en harmonie avec la nature. La ferme où il travaillait 6 jours sur 7 lui assurait son indépendance économique. Et c’est cette double fonction qui s’illustre par le « X » dans le patronyme du musée : allier l’artistique à une politique patrimoniale et écologique .
C’est ce fil conducteur dans ses tableaux que nous suivons quand le soleil, les animaux, les insectes trouvent leur place dans ses paysages abstraits aux lignes géométriques et que, sur d’autres toiles, l’humain reste au centre de ses préoccupations spirituelles.
En dépassant le deuil, après le décès de quatre de ses cinq enfants avant l’âge d’un an, grâce à son art guidant sa main pour ne jamais les oublier, Félix De Boeck les a immortalisés. Ce sont justement ses représentations dans la série : « Les Cercles », qui illustrent, « dans une expérimentation plastique », la symbolique du cycle de la vie : la joie que son épouse et lui ont connue dans la maternité puis la naissance et ensuite, la tragédie de la mort qui les a frappés.
La gamme de couleurs reste tendre, pâle, en clair-obscur comme si la vie s’était effacée… doucement… sans rien dire. Félix De Boeck a dessiné avec la lumière, a suggéré le relief et la profondeur. Nous franchissons la porte de son atelier, comme s’il venait à peine de le
quitter. Mais, ses couleurs ont séché, ses dizaines de pinceaux attendent sa main, tout son matériel de dessin s’est figé. Son chevalet est vide et son tablier orphelin y est resté suspendu. L’émotion est forte quand nous découvrons ses marques de pinceaux de toutes les couleurs, sur le cadre blanc de la porte…
Et « ses » traces de peinture, comme un essai sur une feuille de brouillon, retiennent un instant le souffle de la création.
Parcours muséal
L’architecte, Rob Geys, qui conçut le bâtiment resta fidèle au plan de Félix de Boeck dans l’esprit de ses tout premiers travaux géométriques.
De l’extérieur, l’ensemble assez massif forme un assemblage de « coffres » carrés et rectangulaires alignés et de hauteurs différentes. Une légère déception se lit sur vos visages ! Mais, la surprise nous attend à l’intérieur !
La beauté des formes géométriques pures qui se succèdent en créant des « vides » et des « pleins » et ce, sur 3 plateformes en hauteur, le tout rehaussé de la lumière naturelle des fenêtres et verrières, atteint un niveau de perfection inégalée. Sur 1 025 m², notre parcours découverte s’imprègne de toute l’éloquence de cette « plastique pure » comme une réponse idéale aux attentes artistiques de Félix De Boeck. Le bâtiment moderniste personnifiant en ses murs la synthèse de l’œuvre picturale du maître : la recherche de l’essentiel.
En suivant le fil conducteur thématique et chronologique, le musée nous entraîne à ouvrir les yeux sur des artistes peintres du XXe s. dont « une avant-garde à l’esprit ouvert et anticonformiste » se retrouvant dans le mouvement artistique CoBrA (acronyme pour Copenhague-Bruxelles-Amsterdam) de l’après-guerre (1948-1952) et jusqu’à aujourd’hui. Citons, entre autres : Louis Van Lint, Serge Vandercam, Antoine Mortier, Maurice Wyckaert… dont de nombreuses toiles nous sont parvenues grâce au mécène belge Thomas Neyrinck passionné par l’art abstrait de la seconde moitié du XXe s.
Les œuvres que nous découvrons dans toutes les salles du musée, par la force des couleurs, par la puissance des sujets présentés (thème de l’écorché, par ex.), par les émotions dégagées, sont parfois de véritables « uppercut » qui nous laissent assommés, comme sur un ring ! Un combat entre « harmonie et chaos », « drame et poésie ». En somme, un bon résumé de la vie
Pour terminer, m’étant arrêtée plus longuement devant le panneau intitulé : « De l’abstraction géométrique à la poésie pure », j’ai immédiatement trouvé une réponse au chaos et au drame de l’existence : « La poésie sur toile comme antidote, comme source de bonheur, comme échappatoire. »
Chloé Bindels
Adresse : FeliXart Museum – Rue Kuiken, 6 – 1620 Drogenbos
Tél. : 02 377 57 22
Le musée ouvre ses portes de 10 h 30 à 17 h, du jeudi au dimanche.
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Sources :
https://www.brusselsmuseums.be
https://felixart.org/fr/felix-de-schilder
Reportage photographique : Chloé Bindels