A la découverte de Strasbourg

Nous sommes à 452 km de Dilbeek ! Je me trouve au sommet des 330 marches gravies difficilement dans un étroit escalier en colimaçon qui donne accès à une plateforme panoramique sur toute la ville, dont la vue se prolonge jusqu’aux Vosges et jusqu’à la Forêt Noire !

Juste au-dessus de ma tête, l’unique clocher de ce prestigieux édifice religieux, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988, élève la hauteur de l’ensemble à 142 m.

J’admire aussi la rivière d’argent qui cerne toute la ville et se divise en 5 bras, juste avant le grand barrage Vauban, après avoir franchi les Ponts Couverts, dont l’origine remonte au Moyen Âge. De cette rivière d’argent est issu le toponyme d’origine celte qui a donné naissance à ARGANTORATI. Nous retrouvons sa racine celtique : arganto = argent, luisant. De la couleur du cours d’eau, l’ILL (cet affluent gauche du Rhin, long de 217 km prend sa source dans le Jura, avant de baigner l’Alsace) et rati = levée de terre, fortin. Sans vous en rendre compte, notre circuit a déjà commencé ! Nous étions en effet en haut de la Cathédrale Notre-Dame de

 

STRASBOURG !

Une ville unique par le mélange de ses peuples celtes, romains, francs, français, allemands qui y ont laissé chacun leur empreinte à la fois culturelle, économique, sociale et politique. La ville a changé 4 fois de nationalité en 75 ans (entre 1870 et 1945), 7 fois de nom à travers les époques mais a finalement gardé de la langue allemande son appellation actuelle. Etymologiquement : strasse = rue, route et burg = château. Château sur la route. Comprenons aussi que le mot « bourg » désigne au Moyen Âge un gros village servant de marché pour les villages voisins. La position géographique de Strasbourg située au carrefour des routes commerciales desservant tout le Nord-Est et traversée par la rivière navigable, l’Ill, justifie largement cette qualification de bourg. En une journée, nous aurons la possibilité de parcourir une bonne moitié de la superficie de la ville s’étalant sur 78,26 km² et de découvrir de nombreux lieux historiques et quartiers pittoresques, tout en flânant le long des quais aux noms évocateurs, comme celui du quai Finkwiller, le hameau des pinsons… Impossible de se perdre, nous aurons toujours la cathédrale comme repère et d’ailleurs revenons-y vite…

 

Quartier du Centre-Ville (l’île) : quartier historique – Cathédrale Notre-Dame : Place de la Cathédrale

Un pur émerveillement ! Comme surgi de terre et défiant la pesanteur, l’édifice religieux semble massif au premier abord, mais se dévoile à nous tout en finesse et légèreté par ses dentelles de pierre, ses colonnettes de grès rose ciselé apportant à l’ensemble un sentiment d’élévation et de verticalité.

 

                                                                                     

 

Zoomons sur les détails et remarquons un aspect unique au monde : le décalage de 30 cm de la façade de tout élément sculpté ! Une idée de génie d’Erwin de Steinbach, un des architectes les plus célèbres de la cathédrale, dont le talent sans limites s’est aussi concrétisé dans la construction de la splendide rosace de 13,6 m de diamètre, dominant le porche. Elle porte son nom « La Rose d’Erwin » et elle est considérée comme la plus belle de toutes celles qui ornent les cathédrales gothiques. Erigée vers 1290, cette rosace symbolise l’univers et représente le Dieu créateur en son centre (discret pentagramme). Exceptionnelle par sa taille, elle est constituée de 16 pétales (au lieu des 12 habituels) rappelant les épis de blé et selon l’intensité du soleil, « elle fait exploser la lumière blanche qui se décompose en couleurs ».

 

 

Note historique

– Durée des travaux : de 1176 à 1439.

– Mais 1000 ans d’histoire autour de cet édifice ! Construit à l’emplacement d’un ancien temple romain voué à Mercure, lorsque toute la région conquise par les Romains faisait alors partie de son administration puisqu’un camp militaire y fut attesté en l’an 12 avant notre ère. Nous retrouvons alors son nom en latin : Argantoratum.

 

Les styles d’architecture se succèdent entre le chœur roman de 1176 et le gothique dominant pour l’ensemble. A remarquer dans le chœur, le vitrail central dédié à la Vierge, remplacé en 1956 (l’original ayant été détruit en 1944 par une bombe américaine) où figurent les 12 étoiles du drapeau européen (don du Conseil de l’Europe) sur fond bleu.

 

                                                                                           

 

Ne quittons pas la cathédrale sans nous arrêter devant l’horloge astronomique ! Un chef-d’œuvre de la Renaissance, pur joyau historique. Il aura fallu presque 30 ans d’étroite collaboration entre des artistes, des mathématiciens et des horlogers suisses pour la construire. Après sa restauration en 1842, l’horloge indique toujours l’heure, le jour, le mois, l’année, la phase lunaire et la position des planètes. Nous attendons le défilement des automates… à 12 h 30 ! Un moment « magique »… Les 4 âges de la vie sonnent les quarts devant la Mort qui, elle, sonne les heures. Brrr… Assez pour ce matin ! Repassons du côté de la vie qui bat dans toutes les artères autour de la cathédrale !

Attention, couvrez-vous car vous serez surpris par un vent frais et tourbillonnant sur la place ! Une légende raconte que c’est l’œuvre du diable qui tente encore d’entrer dans la cathédrale après en avoir été chassé !

 

Quartier autour de la Cathédrale : quartier pittoresque

Partout autour de la cathédrale, dans les rues avoisinantes de magnifiques et anciennes demeures témoignent de la richesse de certaines familles bourgeoises ayant fait fortune dans le commerce.

 

                                                                                                                   

 

Nous admirons leurs façades à colombages de bois sculpté, avec pignons pointus, des rez-de-chaussée avec arcades des XVe et XVIe siècle, des maisons avec oriels et consoles à voûtes d’ogives… De ces balcons fermés, la riche bourgeoisie aimait se montrer…

A titre d’exemples :

– sur la Place de la Cathédrale, la maison Kammerzell, typique maison alsacienne à colombages, actuellement hôtel et restaurant réputé.

 

 

– à l’entrée de la rue Mercière n° 8, l’ex-pharmacie du Cerf (1268) la plus ancienne en activité en France, jusqu’en 2000. Goethe la fréquenta.

– Place du Château, le palais du cardinal de Rohan, style classique, grand portail et arc monumental ouvrant sur la cour d’honneur, imposante façade avec colonnes et fronton triangulaire, jardin surplombant l’Ill. Le palais épiscopal fut construit entre 1732 et 1742 à l’initiative du cardinal prince-évêque de Strasbourg, Armand-Gaston de Rohan-Soubise (fils illégitime de Louis XIV et d’Anne de Rohan-Chabot). La visite du palais, comportant 3 musées importants, demande à elle seule plusieurs heures. Il faudra penser y revenir !

 

Note historique

Mais, j’entends… « Tiens, tiens, LE cardinal de Rohan ! La reine ! Le collier ! » Oui, il s’agit bien du palais épiscopal où vécut avec faste le prince-évêque, cardinal Louis-René de Rohan impliqué en 1785 dans le scandale de l’affaire du collier de la reine (540 diamants, quand même !) pour lequel il s’était porté garant pour la reine, Marie-Antoinette. L’affaire jugée, il fut absous, mais déchu de son titre de Grand aumônier de France par Louis XVI et exilé dans l’abbaye de la Chaise-Dieu, en Auvergne.

 

 

– Continuons à voyager au cœur de cette affaire « politicorocambolesque » en nous arrêtant non loin du palais du cardinal, devant la maison du comte – autoproclamé – de Cagliostro, 12, Rue de la Râpe. Demeure de style rococo de 1747 où vécut de 1780 à 1783, ce thaumaturge, mage parmi les mages, sicilien (né en 1743) du nom de Joseph Balsamo.

 

Note historique

Arrivé en Alsace après moult pérégrinations (dans une bonne partie de l’Europe et en Egypte d’où il reprit, à son retour vers 1780, le « Rite de la Haute Maçonnerie Egyptienne ») et ayant acquis quelques secrets alchimiques et médicinaux, il se plaça sous le patronage du cardinal de Rohan et parvint à séduire la haute société par ses talents obscurs de « mage ». Il fut un des instigateurs de la tromperie imaginée dans l’affaire du collier de la reine ! Condamné, exilé, il mourut dans la prison de San Leo, en Italie, en 1795.

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​Halte ! Les estomacs crient famine !

Pour les avoir testés tous les 2, je recommande vivement 2 restaurants, loin de la choucroute traditionnelle, mais qui offrent des plats de viandes ou de poissons présentés avec grand soin dans une assiette devenue un chef-d’œuvre de l’art culinaire tant les mets cuisinés sont fins et savoureux. Et les patrons aux fourneaux sont gages de qualité, au vu de leur réputation :

La Table de Christophe, 28 Rue des Juifs (ancien axe Est-Ouest du camp romain)

Au Coin des Pucelles, 12 Rue des Pucelles

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Les batteries sont rechargées et nous nous remettons en route ! Retour vers le quartier de la cathédrale. Direction 2 places à ne pas manquer pour leur contexte historique :

Place Gutenberg : en son centre la statue de Johannes Gutenberg, né à Mayence vers 1400 et génial inventeur des caractères mobiles de l’imprimerie.

 

Note historique

C’est à Strasbourg que Gutenberg réalisa ses 1ers travaux d’impression de la Bible (180 Bibles imprimées en 3 ans, alors qu’il fallait 3 ans à un moine pour en recopier une seule). Nous comprenons pourquoi il tient dans ses mains un parchemin avec ces mots : « Et la lumière fut ».

 

Place Kléber et l’Aubette : place d’armes du XVIIIe siècle. L’Aubette, grand bâtiment néo-classique et ancien corps de garde d’où étaient transmis les ordres à l’aube, délimite la place au Nord.

 

Note historique

La statue du général Jean-Baptiste Kléber (né en 1753 et assassiné au Caire le 14 juin 1800) rappelle ses victoires lors de la campagne d’Egypte et son indéfectible loyauté à son pays. Il est représenté brandissant la lettre de l’amiral Keith demandant la capitulation des troupes françaises tout en lançant à ses troupes : « Soldats, on ne répond à une telle insolence que par des victoires. Préparez-vous à combattre ! ». Ses cendres rapatriées tardivement (1838) sont depuis, dans son caveau, sous sa statue.

 

Quartier La Petite France: quartier pittoresque le plus célèbre de Strasbourg

Toutes les rues et ruelles que nous empruntons pour y arriver témoignent de la grande activité des métiers manuels et d’artisanat qui ont fait vivre la ville aux siècles passés. Comme la Rue des Tanneurs, des Tonneliers, des Moulins, des Dentelles, des Serruriers, du Bain aux Plantes… Dans ce véritable labyrinthe de ruelles menant à la rivière, la vie explose par un va-et-vient continu de touristes, comme nous, et de Strasbourgeois en balade. Les plus belles demeures datent du XVIe s., à colombages et encorbellements.

 

                                                                 

 

Nous remarquons dans la rue des Tanneurs une particularité de leurs maisons qui se distinguent des autres par un toit supplémentaire et ouvert pour le séchage des peaux. Et, au n° 25, de la rue du Bain aux Plantes, la maison Lohkas, nom alsacien du tanin récupéré après le séchage des peaux et transformé en combustible bon marché. Ensuite, si nous passons sous la voûte à la rue des Moulins, nous pourrons embarquer pour faire une promenade sur l’Ill. Avis aux amateurs…

 

Note historique

La Petite France doit son nom à la maladie vénérienne (syphilis) que les soldats strasbourgeois de François Ier avaient rapportée de leurs campagnes en Italie, au XVIe siècle. Ils se faisaient soigner dans un hôpital appelé : « Zum Französel » – A la Petite Française – au n° 6 rue des Moulins. Avec le temps, le nom est ensuite passé au quartier entier.

 

Enfin, nous franchissons les 3 ponts-routes dits Ponts Couverts et leurs 3 tours du XIIIe s. vestiges des anciennes fortifications de la ville.

Toute notre promenade vers le grand barrage de Vauban, le long de la rivière, est empreinte de charme champêtre. Il fait bon s’y arrêter un instant et laisser juste s’écouler le temps…

 

 

Note historique

Les familles bourgeoises décidèrent de payer la construction de ce système de ponts (230 m de long et 8 m de large) et de tours, dès 1230, pour assurer la défense de la ville. Au XIVe s, ils formaient une succession de galeries couvertes d’une toiture de tuiles. Les galeries étaient ouvertes du côté de la ville et closes d’une paroi en bois percée de meurtrières, côté extérieur, permettant la riposte (arquebuses) en cas d’attaque. En 1570, le système fut renforcé par des herses en fer qui, en descendant depuis l’arche centrale de chaque pont, bloquaient ainsi l’accès à la rivière. En 1784, les toits recouvrant les ponts sont retirés, mais leur nom est resté. Les ponts en bois furent démolis en 1863 et reconstruits en pierre, tels que vous les voyez aujourd’hui.

 

Le spectacle qui s’offre à nous est grandiose ! La rivière a sa plus grande amplitude et déploie majestueusement ses 5 bras avant d’être « avalée » par le grand barrage Vauban, appelé aussi « Grande Ecluse de fortification ».

 

 

Sa construction fut décisive dès la fin du XVIIe s. quand, face aux progrès de l’artillerie, les ponts-couverts ne pouvaient plus assurer efficacement la défense de la ville. Le barrage enjambe l’Ill, en amont des ponts et de la Petite France. Il reliait les fortifications – aujourd’hui disparues – de la ville. Nous empruntons quelques escaliers (ou l’ascenseur) et arrivons sur le toit du barrage. Depuis cette large terrasse panoramique, qui est en fait le passage entre les 2 rives, nous profitons d’une vue exceptionnelle sur l’ensemble: les 3 ponts, les 4 tours de défense, les 5 bras de l’Ill et le barrage ! A sa gauche, les vestiges de l’ancienne Commanderie des Chevaliers de Jérusalem, du XVIe s. (actuellement siège de l’ENA).

 

Note historique

Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban (1633-1707), ingénieur hydraulicien, architecte militaire, nommé maréchal de France par Louis XIV, a conçu les plans du barrage sur l’Ill que l’ingénieur et maître d’œuvre Jacques Tarade fit construire de 1681 à 1688. Longueur 120 m. Sa fonction défensive est caractérisée par un système d’obstruction de ses arches par fermeture des vannes ce qui fait monter le niveau d’eau de l’Ill jusqu’au débordement sur les terrains au sud, principalement des champs et vergers devenus marécages et donc infranchissables par l’ennemi. Ce qui fut le cas lors du siège de Strasbourg en 1870.

 

Nous avons bien du mal à quitter cet endroit fort reposant… et cependant, notre journée de découvertes prend bientôt fin… Un dernier regard encore… Et, sur la rive gauche de l’Ill, les amateurs d’art contemporain sont attirés par l’imposant bâtiment en verre et granit rose, sur le toit duquel une étrange girafe monte la garde !

C’est le Musée d’Art Moderne et Contemporain.

 

Note historique

Inauguré en 1998, d’une superficie de 13 000 m², il est le seul musée français à proposer un parcours de 1870 à nos jours. 6 000 œuvres peintes et sculptées, 15 000 dessins et estampes, 4 000 photographies ! Niki de Saint-Phalle, Gauguin, Monet, Sisley, Pissaro, Renoir, Signac, Picasso, Utrillo, Chagall, etc. Fait remarquable : sur la façade, côté Petite France, nous pouvons voir la suite de Fibonacci en néons bleus.

 

Une note de trop peu ! Oui ! Et c’est en savourant un délicieux petit pain, au travers duquel le soleil brille trois fois, le BRETZEL, que nous nous promettons de revenir… bientôt.

Chloé Bindels

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Sources :

Le Guide du Routard : Alsace 2021-2022 – Ed. Hachette

Office du Tourisme : 17, Place de la Cathédrale – 03 88 52 28 28

Le guide Balades Strasbourgeoises (4,5 euros)

Dictionnaire Historique des rues de Strasbourg (p114) Catégorie : Quai Finkwiller

Rose de la https://www.musees.strasbourg.euCathédrale : https://www.batorama.com

Horloge astronomique : https://www.visitstrasbourg.fr

Erwin de Steinbach : https://fr.wikipedia.org/wiki/Erwin_de_Steinbach

Louis-René de Rohan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Ren%C3%A9_de_Rohan

« Cagliostro, une vie d’errance » par Alain Queruel. Ed. LiberFaber, 2016

Le barrage Vauban : https://fr.wikipedia.org/wiki/Barrage_Vauban

Sébastien Le Prestre de Vauban : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9bastien_Le_Prestre_de_Vauban

Musée d’art moderne et contemporain : https://www.musees.strasbourg.eu

Reportage photographique : Chloé Bindels