J’ai encore dans ma valise, une belle destination où vous emmener…
En France, une « Ville aux Portes d’Or », fondée au début du XIe siècle, ancienne capitale du duché de Lorraine, indépendant jusqu’en 1766, sur les rives de la Meurthe et jumelée avec Liège depuis 1954.
A 347 km depuis Dilbeek, dans le Grand Est, la ville nous ouvre ses portes pour notre plus grand plaisir à la fois culturel et gourmand !
Le voyage porte au moins sur deux jours de visites et le récit que je vous propose sera découpé en deux grands épisodes, au fil de mes découvertes au coeur même de « l’esprit nancéien » décliné dans différents registres et à travers quelques siècles d’histoire.
Sur place, chacun adaptera le circuit selon ses préférences et le temps imparti à son séjour ! Bon voyage…
A la découverte de « l’esprit » nancéien du Grand Est
Partout l’accueil est chaleureux, sympathique et toujours souriant, sans être ostentatoire. Nous nous en rendons compte partout. Dans les rues pendant nos visites, dans les commerces ou sur les sites emblématiques les habitants entament avec nous la conversation de façon toute naturelle comme si nous étions des leurs et que nous les avions quittés la veille !
Un esprit accueillant à « la Belge », non ?
Quelques expressions typiques témoignent aussi de leur gouaille : on fait la « chouille », c’est la fête dans les bars de la Ville-Vieille ; si on passe pour une « quiche », on est une petite andouille ; et on se donne rendezvous « entre midi » pour un resto place « Stan ».
Eh bien voilà, nous y sommes ! Le circuit commence Place « Stan » ! Par les rues empruntées, notamment les rues Gambetta, Stanislas ou Sainte-Catherine, nous allons remonter le temps jusqu’au milieu du XVIIIe siècle et plus loin encore, quand nous nous enfoncerons dans l’époque médiévale en parcourant la Ville-Vieille.
A la découverte de « l’esprit Leszczynski » dans la « Ville-Neuve » du XVIIIe siècle
Place Stanislas Leszczynski : inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1983, anciennement place Royale Louis XV (jusqu’à la Révolution Française).
Six hautes grilles rehaussées de feuilles d’or, en fer forgé, finement ouvragées, de style « rocaille », qui ceinturent cette très belle place à l’architecture néo-classique du XVIIIe s., agrémentée de touches de l’art rococo, retiennent notre attention.
Nous les détaillons avec admiration : « leurs formes audacieuses, leurs motifs en spirales, leurs enroulements végétaux » sont la marque de la maîtrise technique exceptionnelle de leur ferronnier, Jean Lamour (1698-1771), fidèle – comme le seront tous les autres maîtres d’œuvre – à l’esprit de son commanditaire, le duc de Lorraine et de Bar, ancien roi de Pologne, Stanislas Leszczynski « le Bienfaisant » (1677-1766), désireux de doter la capitale de la Lorraine indépendante jusqu’à sa mort de la plus belle place d’Europe.
Symbole de la persistance du pouvoir ducal, la place est aussi un sincère hommage à Louis XV, roi de France (1715-1777), marié à la fille cadette du duc, Marie Leszczynska.
L’hôtel de ville de Nancy
Dans ce cadre architectural altier, nous découvrons avec émerveillement l’ensemble des bâtiments, à la fois administratifs, comme par exemple le plus impressionnant par sa taille : l’Hôtel de Ville (98 m de façade), et culturels comme le musée des Beaux-Arts (au n° 3, près de la fontaine Neptune) ou encore l’Opéra (au n° 4, près de la fontaine Amphitrite, dessinée par Barthélémy Guibal). L’architecture néo-classique présente un style d’ordre corinthien. Les façades surmontées d’une balustrade servent de supports à des sculptures ; tandis que le rez-de-chaussée est percé d’ouvertures en plein cintre et est séparé des étages par un bandeau mouluré.
La place et tous ses bâtiments sont la réalisation du talentueux architecte de Stanislas, Emmanuel Héré, qui oeuvra avec 400 ouvriers simultanément de 1751 à 1755. Un temps record !
L’originalité de la place n’est pas due à ses dimensions (106 m sur 124 – relativement modestes et semblables, pour la même époque, à celles de la place Royale à Bruxelles : 77 m sur 113), mais à son aménagement voulu par Stanislas et à son rôle dans l’urbanisme de la cité. Se situant au croisement de deux axes majeurs, elle allait réunir deux ensembles distincts : au nord, la Ville-Vieille, médiévale et au sud, la Ville-Neuve, Renaissance.
La statue de Stanislas le Bienfaisant attire comme un aimant… Elle s’impose ! Elle trône avec fierté ! Elle regarde au-delà ! Elle nous oblige à suivre du regard l’index pointé de son maître ! Et nous marchons dans sa direction vers le nord… Une seule rue à parcourir, la rue Héré, et nous découvrons, comme à Rome, un majestueux arc de triomphe s’ouvrant sur la place de la Carrière et le palais du Gouverneur.
Note historique : en 1792, au centre de la place, la statue de Louis XV, commandée par Stanislas Leszczynski qui y trônait, fut enlevée et enterrée au pied de son socle. Peu de temps après, elle fut exhumée, démembrée, pesée puis vendue et envoyée à la fonderie de Metz en 1793. La place accusait alors un grand vide dans l’esprit des Lorrains qui allaient tout entreprendre (avec le système de souscriptions), aidés par leurs édiles, pour redonner à la place la statue qu’elle méritait ; en reconnaissance et en l’honneur de celui qui
avait tant fait pour la ville : Stanislas le Bienfaisant, leur dernier duc de Lorraine.
Le travail fut confié au sculpteur Georges Jacquot aidé du fondeur Soyer et en 1831, la statue de Stanislas fut inaugurée. La place avait retrouvé son père fondateur !
L’Arc Héré : classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, depuis 1983
Inspiré de l’arc de triomphe de Septime Sévère à Rome, il fut dessiné et élevé par l’architecte de Stanislas Leszczynski, Emmanuel Héré. L’arc est dédié à la gloire du roi Louis XV, à travers son ornementation : sous la corniche, 3 bas-reliefs en marbre blanc (inspiration mythologique : sculptures réalisées par B. Guibal : Apollon, Mercure, Minerve, Cérès, Hercule), inscriptions et acrotère en son centre supportant le groupe de la renommée et orné du médaillon de Louis XV. Le thème principal du décor est « guerre et paix », rappelé dans les inscriptions latines : « HOSTIUM TERROR/ FOEDERUM CULTOR / GENTISQUE DECUS ET AMOR » (« terreur des ennemis, artisan des traités, gloire et amour de son peuple »).
Note historique : ancienne porte reliée aux remparts par des galeries et le chemin de ronde qui passait par le sommet de l’arc. La muraille abattue en 1772 isola la porte qui devint un véritable arc de triomphe.
A la découverte de l’esprit gourmand : Nancy régale
Sous le charme de « l’esprit Leszczynski , nous avons envie de flâner sur la place « Stan » et d’épouser les us et coutumes du coin ! N’est-ce pas cet « entre midi » qui vient à point pour découvrir « Nancy, qui régale ? ».
En reprenant le slogan de l’Office du tourisme, il est en effet l’heure de nous retrouver au restaurant, dans la Grande Rue au n° 125, à « La Petite Cuillère » où l’art de vivre se savoure dans l’assiette. Nous entrons et l’accueil est tout aussi souriant que le menu, au prix
démocratique. Pour recharger nos batteries, nous irons à l’essentiel : le menu comprend la tendre pièce du boucher avec son gratin dauphinois et ses champignons. Toutes les autres propositions sont alléchantes, le choix est varié : préparations aux mirabelles locales, aux girolles, à la violette… des quiches, des fromages du terroir, des bières et vins de tradition, etc. Sans oublier, leur excellent café !
Et pour le dessert ?
Notre parcours ne peut se terminer ici, vous l’avez bien compris ! Alors promis, nous poursuivrons le voyage historique et, aussi, je vous régalerai volontiers dans le prochain bulletin au chapitre : « Nancy, passions sucrées ». Le rendez-vous est pris !
Chloé Bindels
A la découverte de Nancy (suite)
C’était hier, vous me demandiez : « Et, pour le dessert ? ». Je vous confirme le rendez-vous pris au chapitre « Nancy, passions sucrées », à la découverte d’une autre étape gourmande, après avoir encore parcouru quelques kilomètres dans la Ville-Neuve.
Après nous être restaurés à « La Petite Cuillère » dans la Grande Rue, nous bifurquons vers la rue Héré et nous passons à nouveau sous l’arc de triomphe qui s’ouvre sur la Place de la Carrière et le Palais du Gouverneur.
La Place de la Carrière édifiée au XVIe s, réaménagée sous le duc Stanislas au XVIIIe s.
Une perspective à couper le souffle ! Nous nous arrêtons devant les deux magnifiques grilles dorées en fer forgé, répliques de celles de la place « Stan » et notre regard embrasse une allée digne des jardins du château de Versailles. La symétrie du plan urbanistique est parfaite, œuvre admirable d’Emmanuel Héré qui parvint à unifier les façades des hôtels particuliers Renaissance, construits par les nobles, en style classique.
Note historique et étymologique
- Cette longue et large voie rectiligne est l’axe de communication entre la VilleNeuve et la Ville-Vieille et répond au plan urbanistique de réaménagement voulu par Stanislas Leszczynski, afin de réunifier les deux entités.
- Mais pourquoi le terme « carrière » attribué à cette place ? En fait, l’explication étymologique est liée à l’histoire de ce lieu, où au XVIe s., se déroulaient des fêtes guerrières où les nobles s’affrontaient à armes courtoises. L’expression ancienne et complète « se donner carrière » sur la Place signifie donc « se donner de l’amusement » lors de ces festivités.
Le Palais du Gouverneur (ou du Gouvernement ; depuis 2013, musée lorrain)
Encore une des très belles réalisations de l’architecte de Stanislas. L’édifice et son jardin (8 800 m² ; à voir : deux majestueux platanes du XVIIIe s.) clôturent la Place de la Carrière. Le bâtiment à vocation de palais ducal qui arbore toute l’élégance néo-classique d’un « Nouveau Louvre » hébergea finalement l’intendant, représentant du roi de France.
Ce palais est entouré d’une large colonnade en hémicycle imaginée, elle aussi, par Emmanuel Héré et ornée de statues et bustes des dieux de l’Olympe. Ainsi, 22 divinités « montent la garde » dans cet espace solennel dédié depuis 1970 au Général de Gaulle et dont la place porte aussi le nom. Ces 3 ensembles, Place, Palais et Hémicycle font partie du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1983.
Note historique : Nancy fut libérée en septembre 1944 par la 3e armée du général américain Patton et le 25/09/44, une foule dense accueillit le Général de Gaulle à la place Stanislas.
La Grande Rue qui est la plus ancienne voie nord-sud du vieux Nancy ducal, nous entraîne pas à pas à remonter le temps jusqu’au Moyen Âge et à découvrir quelques derniers vestiges de ce temps passé, dans la Ville-Vieille.
Au numéro 68 de la Grande Rue, c’est le Palais des Ducs de Lorraine qui nous retient : suite à la défaite de Charles le Téméraire, lors de la bataille de Nancy en 1477, le château ducal étant fort délabré, le duc René II ordonna, en 1502, sa reconstruction dans le style Renaissance. Dès la fin des travaux en 1512, il fut la résidence principale des ducs de Lorraine jusqu’à la période Classique (cour transférée au château de Lunéville). Son allure architecturale à la fois sobre et puissante est relevée par d’élégants décors italianisants particulièrement raffinés dont « la porterie inspirée de celle du château royal de Blois… ». Au-dessus du porche, la statue équestre du duc Antoine de Lorraine (œuvre de l’architecte Jacques Vauthier, 1511), sous un impressionnant gâble flamboyant, nous rallie à son panache ! Ce décor est un des premiers témoins de la Renaissance dans l’Est de la France.
Devenu musée historique lorrain en 1848, avec ses 4 800 m² d’exposition, le palais des Ducs de Lorraine s’est métamorphosé par des travaux grandioses (2018 à juin 2023) en un « musée promenade » plongeant le visiteur dans le passé avec les outils du futur…
L’Église Saint-François-des-Cordeliers au n° 66, jouxtant le palais ducal et sa chapelle Notre-Dame de Lorette
En franchissant la lourde porte, le silence nous enveloppe et le recueillement s’impose à nous. Sans bruit, nous parcourons cette « église-tombeau » qui veille sur les gisants, les sépultures, les enfeus des ducs de Lorraine et « porte en son cœur l’héritage de ceux qui ont forgé pendant plus de 800 ans, l’histoire de la région ». Dans l’austérité de ce lieu, seule la lumière chaude du soleil se décomposant en traversant la grande rosace nous offre sur le sol la plus vivante des mosaïques.
La nef unique nous emmène vers la chapelle des ducs de Lorraine voulue par le duc Charles III, bâtisseur de la Ville-Neuve au XVIe s. (arrière-petitfils du duc René II, commanditaire des lieux) et qui désirait un caveau privé.
Nous sommes tous subjugués par la splendide coupole en trompe-l’œil, de style baroque italien, dotée de 386 caissons sculptés (1632) où figurent des anges, les initiales des trois ducs à l’origine de la construction et des motifs rappelant la Lorraine (comme le chardon). Au sortir de ce lieu de mémoire, nos impressions rejoignent celles décrites dans le magazine de l’Office du tourisme par Anthony Humbertclaude : « …ambiance envoûtante… solennité confinant presque au mystère… ». N.B. La dynastie des Habsbourg-Lorraine reste toujours très attachée à la chapelle funéraire de ses aïeux et une messe y est encore célébrée chaque année le 3e samedi d’octobre. Encore quelques dizaines de mètres et nous arrivons à la limite nord de la Ville-Vieille, au bout de la Grande Rue.
Stop ! Nous nous arrêtons sur le champ devant cet imposant vestige des fortifications médiévales :
La Porte de la Craffe *
Edifiée sous le duc Jean Ier de Lorraine (1346-1390), elle résista aux assauts de Charles le Téméraire en 1476 et en 1477.
* Le nom de Craffe donné à cette ancienne porte de la ville lui vient du mot allemand Kraft, qui signifie le pouvoir et par extension de sens : fort, fortifié… et nous on pense au papier kraft, très résistant !
A nos risques et périls, si nous l’avions franchie… aux siècles passés ! Cette porte défensive, reliée aux fortifications, assurait bien la protection des habitants par ses murs en pierres de taille épais de 3 m, sa robuste tour centrale carrée encadrée par deux grandes tours d’angle rondes et percées de meurtrières permettant les tirs de tous côtés et ses mâchicoulis en accolades et à consoles formées d’un triple tore (grosse moulure pleine à profil arrondi) ceinturant la porte centrale.
Un plan de 1611 montre que la porte de la Craffe sera insérée dans les défenses de Vauban. Plus tard, avec la destruction des remparts de Nancy (extension de la ville), la porte perd son rôle défensif et reste le passage obligé pour la sortie nord de la ville.
Mais voici ce que nous attendions tous pour terminer notre voyage avec douceur :
A la découverte de « Nancy, passions sucrées !»
Dans la Ville-Neuve, rejoignons la place « Stan » et au n° 21 de la rue Gambetta, je vous emmène pour partager les trésors sucrés de Nancy : ses macarons aux amandes de Provence, sa bergamote, ses perles de Lorraine (pâtes de fruits avec un cœur d’eau-de-vie à la mirabelle ou à la bergamote confite enrobée de chocolat), son baba au rhum…
Les étalages de la Maison des Sœurs Macarons sont plus appétissants les uns que les autres. Nous dévorons tout du regard et nous avons envie de tout goûter ! Cette confiserie spécialisée est unique en son genre car depuis près de quatre siècles, elle détient jalousement le secret de la recette des macarons des sœurs de la communauté des Dames du Saint Sacrement de Nancy. Et comme l’explique l’actuel propriétaire, Nicolas Génot : « Oui, je travaille toujours à l’abri des regards. La recette n’existe pas physiquement. Elle est dans ma tête. Elle se transmet de la main à la main. »
Notes historiques
- le macaron : Catherine de Vaudémont, fille du duc de Lorraine Charles III, fonda le monastère des Dames du Saint-Sacrement à Nancy, où elle fut abbesse. La viande y étant quasi interdite, les biscuits aux amandes étaient une excellente alternative. Après la Révolution Française, couvents et monastères fermés, c’est en 1793 que deux sœurs ayant trouvé refuge chez Sœur Marguerite Mélanie Gormand, au 10 rue de la Hache, continuèrent à fabriquer ces petits gâteaux et peut-être à les vendre… Mais, ici la légende empiète sans doute sur la vérité historique et embellit l’origine de la fabrication de ces délices aux amandes ! Cependant, le nom des deux moniales, les « Sœurs » Suzanne et Marie-Elizabeth, « Sœurs Macarons » est resté et passé à la postérité !
- le baba au rhum : Stanislas Leszczynki aimait toutes les douceurs et en dégustant un de ses gâteaux préférés : le kougelhopf, il le trouva trop sec. Il demanda à son cuisinier de l’arroser de vin tokay (remplacé par la suite par du rhum) et le trouva délicieux ! Pour améliorer la recette d’époque, il fit ajouter du safran. L’histoire est encore embellie en racontant que c’est après la lecture d’Ali Baba que le duc Stanislas a donné son nom à ce gâteau (?). Il est plus vraisemblable que le nom vienne d’un gâteau polonais : le baba ou babka, signifiant grand-mère ou petite grand-mère. Diderot évoque le « baba » dans une lettre à Sophie Volland en 1767.
Nous ressortons de la boutique avec nos colis de friandises et, en quittant Nancy, nous savons déjà que nous ferons des heureux lors de leur dégustation ! Moi, j’ai craqué pour le macaron ! Et vous ?
Chloé Bindels
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Sources :
Le magazine de l’Office du Tourisme de la Métropole du Grand Nancy 2017-2018
VISITNancy / Le magazine touristique de la métropole du Grand Nancy 2022-2023
tourisme@nancy-tourisme.fr
Office de Tourisme de Nancy et du rayonnement du Grand Nancy : Place Stanislas
Nancy, histoire de la ville : https://www.nancy.fr
Culture – patrimoine : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nancy
Maison des Soeurs Macarons : 21, rue Gambetta : info@macaron-de-nancy.com
Reportage photographique : Chloé Bindels